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La blanchisserie de la Marine : une technologie à la pointe

lundi 8 avril 2013

La blanchisserie de la Marine est installée près de l’Île Factice depuis 1837. A l’époque, un bassin raccordé à la Penfeld permettait aux barges de livrer ou embarquer le linge aux portes de l’établissement. Subsistent de l’infrastructure initiale un grand corps de bâtiment en pierre, le mur d’enceinte, le lavoir alimenté par une source locale. Le bassin et ses quais ont disparu, enfouis ou démolis, l’horloge a déserté les lieux et la cloche sonnant l’embauche ou la fin du travail ne trône plus à l’entrée.

Depuis 2010, cette unité est rattachée au groupe de soutien de base de défense (GSBdD) et désormais traite les besoins des unités terre, mer ou air en blanchiment pour le Morbihan et le Finistère, hormis ceux de l’hôpital des Armées (HIA) : éléments de couchages ou de restauration, rideaux, tenues des élèves des écoles, tenues de travail. L’entretien des uniformes n’entre pas dans l’attribution de ses charges.

La blanchisserie est aujourd’hui alimentée en eau par le réseau de la ville et en électricité par ERDF. La production d’eau chaude et de vapeur dédiées au nettoyage du linge est assurée sur place par une chaudière au gaz, une seconde au fioul assurant la relève durant les opérations d’entretien ou lors de pannes. La chaufferie fonctionne de 7 heures à 16 heures 30, 5 jours sur 7.

Des chiffres et quelques mots sur la structure

  • La laverie traite mensuellement environ 64000 articles représentant 36 tonnes de linge, soit en moyenne 1,8 tonnes par jour.
  • La consommation de gaz est voisine de 30 à 40 tonnes de gaz naturel liquéfié par semaine.
  • Vingt-sept personnes travaillent sur le site :
    • Une équipe de maintenance
    • Une équipe de lavage fin
    • Une équipe de lavage industriel
    • Une équipe de finition industrielle.
  • Un chef d’équipe supervise chacune de ces divisons
  • Une équipe de magasinage et une équipe administrative regroupées sous l’entité fonctionnelle exploitation sous les ordres du responsable de la laverie, Rolland Keraudren.

Le lavage avec des solvants chlorés est abandonné depuis longtemps maintenant au profit de l’eau. Trois paramètres combinés influencent les résultats d’un lavage. Le brassage mécanique, la température de l’eau, la constitution chimique des ingrédients.

Selon sa nature, le linge suit une procédure de délivrance et un traitement adaptés.
Concernant le linge de couchage, il est procédé à un échange standard auprès du magasin, l’unité repartant immédiatement avec du linge propre en nature et quantité identiques à celles apportées sales. La laverie possède un stock tampon important pour assurer ce service et notamment 23000 draps.
Pour les vêtements, la périodicité de dépôt des effets est hebdomadaire : l’unité récupère ses articles une semaine franche après dépôt.

Le lavage fin, un peu comme chez soi

Le linge léger passe par le circuit dit lavage fin dans une laveuse à tambour assez semblable aux machines à laver domestiques si on fait abstraction de la capacité du tambour qui peut admettre 90 kilogrammes. Les additifs à l’eau de lavage (tous sous forme liquide) sont admis aux instants judicieux dans l’eau de la machine par des pompes doseuses commandées par un programmateur configuré selon les exigences du linge.
Un investissement prochain est prévu pour remplacer la laveuse actuelle qui date de 1981. Deux laveuses et un séchoir seront acquis pour un coût de l’ordre de 150000 euros. Ceci permet d’apprécier la différence avec le matériel grand public.
Le linge lavé est placé en séchoir (j’ai perdu les détails de ce poste). Un poste de détachage permet d’appliquer un traitement local à l’aide de produits spécialisés sur les taches rebelles.
Le repassage est une tâche fatigante et surtout génératrice de troubles musculo-squelettiques parfois invalidants. L’acquisition toute récente d’un mannequin de repassage devrait soulager quelques bras. Cette machine nécessite toujours l’assistance d’un manipulateur, mais la posture est droite et les gestes non traumatisants. Par exemple, pour une chemise, il suffit à peu de choses près d’habiller un buste factice placé à hauteur normale. La machine repasse alors manches, poignets, col, avant et dos en moins de 10 à 15 secondes. Il ne reste qu’à déshabiller le buste et suspendre le vêtement sur cintre.

Le lavage industriel, une usine à gaz sur deux niveaux

Le couchage et les tenues de travail sales admis au magasin pour nettoyage sont identifiés dans l’antichambre de la machine par un identifiant permettant de renseigner la chaîne de traitement sur la nature du linge, son poids et sa provenance dans le cas ou il doit être restitué à l’unité déposante. Le linge ainsi classifié est versé dans des poches de transport (à raison de 30 kg dans chaque ?). Les poches vont ensuite se ranger sur 4 voies d’attente. Dans la mesure du possible, les poches aux contenus semblables se rangent sur un même rail. En fonction des éléments identificateurs, la chaîne détermine le traitement qui sera à appliquer au linge lorsqu’il se présentera au lavage. Lorsque ce moment arrive, le contenu de la poche est largué au dessus d’une trémie et admis dans la chaîne de traitement.

Parallèlement à cela, deux laveuses son mises en œuvre pour les cas marginaux ou spécifiques : tenues de travail particulièrement sales (cambouis, hydrocarbures…) ou bien effets plus fragiles (tissus imperméables…) ou bien encore effets en petites quantités.

La chaîne de traitement reçoit les ingrédients de lavage selon un principe assez semblable à celui rencontré dans la chaîne de lavage fin. La lessive est ici en poudre et nécessite donc une cuve préparant en amont la dilution, mais les autres ingrédients sont injectés par pompes doseuses. Tous les choix de la machine, les dosages découlent de l’identifiant à l’admission en tête de chaîne et des préconisations du fabricant des ingrédients. Le linge progresse alors dans le tunnel de lavage composé de plusieurs compartiments en enfilade correspondant aux phases du lavage : prélavage, lavage, rinçage. La progression du linge d’une phase à l’autre se fait au profit d’une inversion de rotation d’un compartiment du tunnel. L’eau issue du rinçage, d’une qualité suffisante, est utilisée pour le train de prélavage en préparation, afin d’en abaisser la consommation.

En sortie de tunnel, deux moyens d’essorage sont possibles : soit par centrifugation, soit par pressage. A la blanchisserie de l’anse Saupin, le système par pressage a été choisi.

Quatre personnes veillent sur le processus de lavage.

La finition industrielle

En sortie d’essorage, le linge est aiguillé vers 3 séchoirs selon qu’il s’agit de linge plat de grand format (couvertures, draps) ou de petit format (serviettes, pavillons…) ou bien encore des vêtements ou autres articles non plats.
Les articles plats encore humides sont présentés manuellement aux pinces de l’une des 2 calandreuses. Dix personnes travaillent ici, préférentiellement des hommes aux grands plats, en raison du poids des articles ; les femmes assurent l’alimentation de la calandreuse dédiée aux petits plats. En sortie de calandreuse, le linge repassé et sec est dirigé mécaniquement vers le dispositif de pliage. Enfin, il est acheminé vers l’emballeuse à film, puis mis sur palette et porté en magasin. Une calandreuse peut traiter 1000 draps par jour.

Les vêtements et tenues de travail suivent un autre circuit de séchage. Ils sont placés sur cintres circulant sur un rail. Ré-humidifiés, ils sont défroissés par un procédé de soufflerie. Le pliage est effectué manuellement en sortie de séchage.

Le pliage de certains articles hors standard demeure réfractaire à un traitement mécanisé en raison de leur forme, de la nature du tissu constituant, ou bien encore de leur trop faible quantité pour justifier d’une mécanisation. Ce dernier poste est donc totalement manuel.
Dernière étape, l’eau quitte le site en passant par la station d’épuration pour se libérer de la charge polluante qu’elle a emmagasiné durant sont passage dans cette machinerie.

Durant la présence du linge sur le site, cheminement du linge sale et celui du linge traité sont conçus pour ne pas se croiser. De même, sur la chaîne de traitement, les équipes sont isolées de telle sorte que celles travaillant sur le propre n’aient pas à remonter vers la zone de circulation du sale. Dans le but d’éviter aux salissures de remonter la chaîne de nettoyage mais aussi pour faire barrière aux infections parasitaires ou bactériennes. Si une menace de ce type est avérée, le linge subit un traitement prophylactique adapté enfermé le temps nécessaire dans des sacs étanches hydrosolubles. Par la suite, à l’admission en phase de prélavage, les sacs se dissolvent, libérant le linge.

Finalement, derrière des hauts murs, se cache avec humilité une technicité non soupçonnée.
il serait injuste enfin de ne pas témoigner de l’accueil chaleureux et enthousiaste que nous avons reçu.

Françoise et Hubert Despré, d’après les propos recueillis auprès de Rolland Keraudren, responsable de la blanchisserie de l’anse Saupin.

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